mudra du grand Bouddha Amida de Kamakura

Bouddhisme, philosophie ou religion ?

Statue de Hérodote
Voilà un sujet qui fait couler pas mal d'encre ! (et martyrise régulièrement les petites touches de nos claviers) Le bouddhisme est-il une religion ou bien une philosophie ?

Vous trouverez facilement des tenants des deux opinions. Certains vous diront que les bouddhistes croient au karma, à la réincarnation (en vérité il est plus question de renaissances, subtilité qui a son importance mais ne nous égarons par sur ce sujet pour l'instant) et à un certain nombre de dieux. C'est donc bien une religion à proprement parler. D'autres vous diront que le bouddhisme décrit plutôt une façon de vivre en accord avec soi-même et les autres et feront remarquer que le bouddhisme réfute l'existence d'un dieu créateur. On aurait donc une philosophie plus qu'autre chose. Il y a des arguments des deux côtés, arguments souvent tous plutôt valables, c'est surtout l'interprétation qui diffère. Ca ne nous avance pas beaucoup, vous en conviendrez...

Qu'est-ce que la religion ? J'ai trouvé une petite définition pas trop mal sur le net: "Reconnaissance par l'être humain d'un principe supérieur de qui dépend sa destinée ; attitude intellectuelle et morale qui en résulte." Ce que l'on désigne actuellement sous le terme de "religion" existe depuis la nuit des temps. C'est un phénomène universel, que ce soit selon l'époque ou le lieu.

Qu'est-ce que la philosophie ? "Ensemble des questions que l'être humain peut se poser sur lui-même et examen des réponses qu'il peut y apporter ; vision systématique et générale (mais non scientifique) du monde". La Grèce antique est souvent considérée comme le berceau de la philosophie occidentale à minima. Il n'est pas très fréquent qu'on lui cherche d'autres origines (ce qui, selon moi, traduit un racisme assez moche, mais c'est un autre problème). Philosophie, vision éclairée du monde grâce à la raison et vie quotidienne idéalement en accord avec cette vision.

Bien sûr ces deux notions sont diamétralement opposées... Vraiment ? Si l'on reste sur la Grèce antique, nombre de philosophes participaient activement aux activités religieuses de la cité. Et certains penseurs religieux avaient des réflexions qui n'avaient rien à envier aux philosophes. Si on va creuser du côté des philosophes hors Grèce, l'ambiguïté est encore plus flagrante. Alors pourquoi avons nous en tête cette représentation d'un tel antagonisme ? Peut-être faut-il aller chercher du côté des Lumières (lumière, thème souvent repris dans la religion, amusant non ?) pour qui la raison triomphait sur la foi et la croyance. Auquel cas on aurait finalement une scission plutôt récente à l'échelle de l'histoire de l'humanité.

Qu'en pensent les orientaux ? Il semblerait qu'ils se posent bien moins la question et qu'ils soient moins attachés que nous à cette raisonnable/sacro-sainte séparation. Cette séparation récente serait-elle également locale ?

Le bouddhisme n'est définitivement pas une religion, au sens où on l'entend habituellement en Occident. Lorsque l'on cherche à évoquer, dans la vie quotidienne, la variété des convictions et croyances, on évoque en général, et dans cet ordre-là, le Christianisme, l'Islam, le Judaïsme et l'Athéisme (ouais j'ai mis une majuscule aussi, comme ça pas de jaloux !) Soit 3 religions monothéistes et un ensemble de convictions qui rejettent Dieu. En effet, le bouddhisme ne reconnaît pas l'existence d'un dieu créateur tel que le dieu biblique, le Bouddha ayant été très clair à ce sujet. Mais faut-il réellement un dieu pour avoir une religion ou est-ce un biais d'occidentaux ? Un certain nombre de concepts bouddhistes relèvent de la croyance, même si le Bouddha était le premier a exhorter ses disciples à vérifier ces concepts par eux-mêmes. Mais une telle vérification reste encore une perception personnelle et de fait une croyance tant qu'elle n'a pas été validée par l'expérience (subjective) du pratiquant. Nous sommes donc malgré tout dans le domaine du religieux, un religieux qui se veut raisonnable et pragmatique, certes, mais religieux quand même.

La dimension philosophique (voire même psychologique du bouddhisme) n'est plus à démontrer. En effet, les enseignements du bouddhisme décrivent un mode et une hygiène de vie concrète, raisonnable, solidement ancrée dans la réalité du quotidien. La méditation, pratique phare de cette tradition est même pratiquée par de nombreuses personnes ne portant aucun intérêt à la dimension religieuse, qu'elle soit bouddhiste ou autre (le bouddhisme n'a pas l'apanage de la méditation bien évidemment). De nombreuses considérations et concepts nous enjoignent à porter sur le monde un regard qui transcende nos convictions, habitudes, croyances, traditions et en cela la démarche du bouddhiste est on ne peut plus philosophique.

Bref, vous commencez à me voir venir... Dire que le bouddhisme n'est rien d'autre qu'une philosophie est un peu absurde (propos que j'ai eu l'occasion de tenir). Dire que c'est uniquement une religion est à peu près aussi absurde (tiens, un autre truc que j'ai eu l'occasion de raconter !). En fait on peut même questionner la légitimité de cet antagonisme philosophie/religion ! Personnellement, (parce qu'au final vous êtes libres d'en penser ce que vous voulez) je ne dirais même pas que le bouddhisme n'est ni une religion ni une philosophie mais bien les deux ! Pas non plus une philosophie religieuse ou une religion philosophique, mais bien les deux en même temps. Allez savoir, le bouddhisme n'est peut-être même pas un cas isolé ! A-t-on véritablement besoin de classifier toutes choses dans des cases parfois bien étriquées pour contenir la complexité du monde ?

Philosophie, religion ou philorelisonghie, l'important c'est ce que vous en retirez de positif pour vous et pour les autres, dans la vie de tous les jours.
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