mudra du grand Bouddha Amida de Kamakura

Kikyoshiki : la cérémonie de prise de refuge

cérémonie Kikyoshiki
Quoi de plus impatient qu'un enfant le matin de Noël ? Dans les pays qui fêtent Noël, ce jour est définitivement le jour des enfants ! On leur dit que le Père Noël va leur déposer des cadeaux au pied du sapin et au petit matin, après avoir passé une nuit pleine d'excitation, ils trépignent pour se lever. Parfois ils font exprès de faire du bruit en allant aux toilettes, trouvent toutes sortes de prétextes pour réveiller les parents dans l'espoir que ces derniers, une fois réveillés, renoncent à leur grasse matinée et leur permettent d'ouvrir les cadeaux tant attendus... Si les enfants sont tellement impatients le matin de Noël, c'est parce qu'ils sont très jeunes.

Vraiment ? J'ai 41 ans, et samedi dernier je me suis réveillé tôt, en ayant beaucoup de mal à m'endormir : comme un matin de Noël. Samedi dernier était la date de ma cérémonie de Kikyoshiki. Kikyoshiki signifie "cérémonie de prise de refuge", même s'il n'est pas nécessaire de prendre formellement refuge pour devenir bouddhiste, cet événement marque l'entrée du pratiquant au sein d'une école spécifique de façon officielle. C'est un engagement dans la voie qui marque une volonté de vouloir mener sa vie selon les enseignements de l'école dans laquelle on prend refuge.

Cela fait maintenant 14 ans que je suis bouddhiste. D'une famille athée de tradition chrétienne catholique, j'étais à la recherche d'une spiritualité simple et profonde, praticable à n'importe quel moment, à la portée de tous, sans aucun prérequis. Mon regard ayant été attiré par une sobre affichette portant la mention "Pratique de la méditation Zen" dans une ville près de chez moi, je suis entré pour la première fois dans un dojo Zen. J'y ai découvert une très belle tradition simple et dépouillée, mais aussi très exigeante et austère. J'ai pratiqué zazen pendant un peu plus de 12 ans. Cependant, après ces 12 ans de pratique, je me suis retrouvé dans une impasse : le Zen m'a rendu plus exigeant envers moi-même mais aussi envers les autres, il a conforté également mon fonctionnement très mental. J'ai même fini par douter : suis-je vraiment sûr de savoir comment pratiquer zazen ? D'autant plus que le Zen n'est pas si accessible en vérité : la pratique de zazen est fortement déconseillée aux personnes présentant des troubles mentaux. Et même si vous êtes en pleine possession de vos capacités, cette tradition requiert une détermination sans faille, beaucoup d'efforts et de temps... avec finalement assez peu de garantie de réussite.

J'ai fini par sentir que cette pratique était devenue totalement stérile en ce qui me concerne. Mais je ne pouvais pas renoncer au bouddhisme pour autant. En plein questionnement, un souvenir a tranquillement refait surface en moi, un nom que j'avais lu à plusieurs reprises dans des livres : Amida. J'ai donc commencé à me pencher sur les traditions de la Terre Pure. Et là j'ai découvert une voie que j'avais initialement négligée, une voie réellement accessible, inclusive, à la portée d'absolument n'importe qui, d'une très grande humanité. Une voie qui n'écarte personne, qui vient en aide à tous ceux qui peuvent en avoir besoin. Une voie tellement facile et simple qu'on peut la suivre dans toutes les circonstances, sans aucune contrainte. Mon choix s'est arrêté sur l'école de Shinran Shonin, le Jodo Shinshu.

C'est donc au sein du Jodo Shinshu que j'ai voulu prendre refuge et tout particulièrement dans la branche Otani-ha : ce qui a fini de me convaincre est le texte de Kiyozawa Sensei "Ma conviction religieuse". Selon moi, ce texte nous offre une vision à la fois très profonde et vraiment concrète de la spiritualité, en accord avec la pensée de Shinran Shonin. Grâce à Gregory Shinshi Thomas, seul prêtre Shin français à l'heure actuelle, j'ai pu faire la rencontre du révérend Miki Nakura de New York et lui faire part de ma volonté de rejoindre l'école Otani-ha. J'ai aussi eu la chance de faire la rencontre du révérend Ryoko Osa de Berkeley. J'ai énormément apprécié la rencontre de ces deux très belles personnes, ce qui m'a complètement conforté dans le chemin que je prenais : il est important pour moi que les enseignements se traduisent par des actes concrets au quotidien.

Georges, un pratiquant de Paris, a lui aussi émis le voeu de prendre refuge. Pour ce premier Kikyoshiki historique dans l'histoire du Jodo Shinshu en France, en plus de Gregory nous avons également eu l'incroyable chance de bénéficier de la présence des révérends Osa et Nakura qui nous ont organisé une retraite sur 3 jours, retraite au terme de laquelle nous avons pu prendre refuge.

Et c'est donc dans ce contexte inédit que je me suis réveillé samedi dernier, fébrile et impatient. Auparavant nous avons chanté, pris nos repas en commun, assisté à une conférence, parlé du Dharma, de façon formelle, informelle, parlé et parlé encore... Nous avons énormément échangé dans une atmosphère de bienveillance et de réelle volonté de la part de nos officiants de nous transmettre leur savoir, leur culture, leur vécu. Nakura-san nous a fait pratiquer seiza, Osa-san nous a enseigné le chant liturgique. Nous avons également eu un exposé très intéressant sur la façon dont le Jodo Shinshu se vit au quotidien, ce que comporte un autel, les principales fêtes, les symboles de l'école... Je n'ai pas ressenti le moindre tabou concernant le Jodo Shin, nous pouvions poser n'importe quelle question. Nous avons passé tout ce séjour en présence de personnes réellement sincères dans l'étude et la pratique du Dharma, et cela se sentait.

C'est dans cette atmosphère d'une grande force qu'au petit matin j'ai salué Georges avec qui je partageais la chambre. Il m'a rapidement proposé d'aller nous recueillir 5 minutes devant l'autel dressé à l'occasion de la retraite pour commencer cette journée si spéciale. Lorsque nous sommes arrivés dans la pièce, nous avons constaté que les rideaux étaient positionnés de façon à ce qu'une lumière provenant du bâtiment d'en face illumine le butsudan, comme s'il était prêt à nous accueillir. Nous avons récité le nembutsu côte à côte et au bout de quelques minutes la lumière s'est éteinte : il était l'heure pour nous de finir de nous préparer pour la cérémonie.

La cérémonie de Kikyoshiki a été vraiment très belle, très solennelle, et s'est déroulée dans une ambiance de profond recueillement. Bien que l'ambiance tout au long de la retraite ait été très détendue et bonne enfant, c'est avec une grande sincérité que chacun a fait preuve du plus profond respect pour cette prise de refuge, sans aucun effort : lorsque les participants sont réellement sincères à propos du Dharma il est complètement naturel d'accorder à la pratique religieuse toute la solennité qui s'impose. Nakura-san, qui conduisait la cérémonie, nous a passé un wagesa, à Georges et moi, autour du cou avant de tous nous inviter à un court moment de méditation. Nous avons ensuite fait gassho, chanté le Vandana, le Ti-sarana et Les Trois Trésors. Nakura-san a ensuite procédé à la coupe symbolique de cheveux, puis il nous a donné nos noms du Dharma. Nous avons poursuivi en chantant le Shoshinge, le nembutsu, un wasan et un eko. Il nous a lu une lettre de Rennyo, la préface du Kyogyoshinsho et nous a donné un petit enseignement. Nous avons été ensuite invités à nous exprimer, Georges et moi, sur ce que nous venions de vivre. Comme je l'ai raconté, lors de la petite méditation en préambule, une pensée m'a traversé l'esprit : un des noms japonais d'Amida est "Oya sama" qui peut se traduire par "parent vénéré/admiré". Si Amida est un parent, nous autres pratiquants du nembutsu, sommes ses enfants. J'ai donc eu envie de partager cette petite pensée très réconfortante. Finalement Ryoko-san et Greg se sont aussi exprimés et Georges et moi avons de nouveau remercié les officiants pour le cadeau inestimable de leur présence. C'est ainsi que s'est conclue cette cérémonie de Kikyoshiki.

Lorsque nous prenons refuge, nous recevons un nouveau nom, un nom bouddhiste. Georges a reçu le nom de "Shaku Ganshô" ce qui signifie "Disciple de Shakyamuni « Illumination du Voeu Primordial »". Quant à moi, j'ai reçu le nom de "Shaku Renkô", "Disciple de Shakyamuni « Lumière du Lotus »". En ce qui me concerne, Nakura-san a insisté sur le magnifique symbole de la fleur de lotus dans le bouddhisme, plante qui pousse dans la boue et s'élève au-dessus de cette eau trouble pour fleurir.

Je suis particulièrement heureux d'être dorénavant membre à part entière de l'école Otani-ha, et je remercie Greg, Nakura-san et Ryoko-san du fond du coeur. Le jour où je pourrais enfin aller visiter le Higashi Honganji à Kyoto, c'est avec beaucoup de bonheur que je revêtirais mon wagesa avant de pénétrer dans le temple. Je souhaite sincèrement qu'à l'avenir cette magnifique tradition trouve l'écho qu'elle mérite en France afin d'aider toutes les personnes qui ont besoin de la lumière d'Amida pour mener leur vie avec sérénité, bienveillance et confiance. J'espère pouvoir apporter ma pierre à cet édifice, ne serait-ce qu'en gage de reconnaissance pour les précieux enseignements que j'ai reçus. Si j'ai vécu cette matinée comme un matin de Noël, c'est sûrement parce que la sagesse et la compassion d'Amida sont des cadeaux d'une valeur inestimables, que l'on peut partager avec tout le monde sans aucune limite.

Gratitude

Namu Amida Butsu
boutton de retour
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