mudra du grand Bouddha Amida de Kamakura

Mappō, l'ère de la fin du Dharma et les quatre recours

beaux vieux livres
Il y a une chose sur laquelle le Bouddha a été très clair: tout ce qui existe finira par disparaître. Comme le dit le grand commentaire du Yi Jing, antique oracle chinois, "la seule chose qui ne change pas, c'est que tout change tout le temps".

On pourrait donc me rétorquer "Attends, attends... Si tout finit par disparaître, le bouddhisme aussi va disparaître !" et ben... oui. Le bouddhisme aussi va disparaître, idée qui ne choquait pas beaucoup le Bouddha Shakyamuni étant donné qu'il a prédit lui-même le déclin et la perte de son propre enseignement. Le temps où vécut le Bouddha historique et la période qui l'a immédiatement suivi est Shōhō, l'ère du vrai Dharma (l'enseignement bouddhiste), suivie de Zōhō, l'ère du semblant de Dharma, pour finalement aboutir à Mappō, l'ère de la fin du Dharma. Tout le monde n'est pas forcément d'accord sur les dates de début et de fin de ces différentes périodes, mais laissons cette question aux spécialistes : ils s'accordent tous à dire que nous sommes bels et biens et pour longtemps dans l'ère de la fin du Dharma.

Mappō se caractérise par une période de conflits, de troubles, de famines, de catastrophes naturelles et bien évidemment d'obscure ignorance: les enseignements et l'influence spirituelle bénéfique du Bouddha Shakyamuni commencent à être loin de nous. Cette période prendra fin lorsque le prochain Bouddha, Maitreya, s'incarnera dans notre univers pour revivifier les enseignements bouddhistes, remettre en mouvement la roue du Dharma. Mais ce n'est pas pour tout de suite, il est question de plusieurs millénaires de patience... (au bas mot)

Voilà, le bouddhisme est périmé, bonne journée tout le monde.

Attendez, pas si vite ! Les enseignements bouddhistes seraient-ils dépassés et devenus inutiles, ou serait-ce tout simplement que dans sa profonde connaissance de la nature humaine, le Bouddha savait pertinemment qu'une information, même de la plus extrême importance, était inéluctablement vouée à être déformée et à finalement disparaître ? Même la plus simple des informations peut subir une telle destinée, que dire d'un enseignement aussi profond, riche et subtil que l'enseignement bouddhiste ?

Le bouddhisme a-t-il déjà disparu ? Evidemment non, rien que le fait que vous puissiez consulter ce (merveilleux) site en est la preuve. Par contre a-t-il subi des altérations ? Oui, bien sûr que oui. En 2600 ans d'histoire, les mauvaises traductions, incompréhensions et diverses récupérations (même très récentes d'ailleurs) ont forcément déformé l'enseignement originel. Si on ajoute à ça la taille du corpus (plusieurs centaines de soutras, certains tenants sur une page, d'autres ayant la taille de très gros livres) il devient difficile de savoir où donner de la tête. Comment s'y retrouver ? Heureusement pour nous, le Catuhpratisarana soutra nous propose une méthode herméneutique simple et pleine de bon sens (et à la fois très profonde) qu'on devrait appliquer dans de nombreux domaines : les quatre recours.

Il est donc essentiel d'aborder les textes bouddhistes en suivant ces quatre principes:
- S’en remettre à l’enseignement et non à un individu
- S’en remettre au sens et non à la lettre
- S’en remettre à la sublime sagesse et non à la conscience ordinaire
- S’en remettre au sens certain et non au sens à interpréter

Il est évident que le bouddhisme a de nos jours encore de très précieuses choses à offrir à l'humanité et qu'il serait particulièrement dommage de s'en priver (les exemples pour justifier cet état de fait ne manquent pas). Mais il est malgré tout important d'avoir à l'esprit que cette tradition est multimillénaire et qu'elle s'est diffusée à travers le temps et l'espace par le biais de cultures et de mentalités parfois très différentes de la nôtre. Tenir compte de cette réalité ne peut que nous permettre de mieux s'imprégner de l'essence du bouddhisme, essence qui concerne la nature ultime de la réalité au sein de laquelle nous existons et cette nature ultime n'a bien sûr rien de périssable !

Cette notion de Mappō est très importante, nous aurons l'occasion d'y revenir ! (spoiler : si, si, la pratique du bouddhisme reste tout à fait envisageable, même durant l'ère de Mappō ! Mais il faut en tenir compte !)

Gratitude

Namu Amida Butsu
boutton de retour
Retour aux articles