mudra du grand Bouddha Amida de Kamakura

Shinran Shonin, fondateur du Jodo Shinshu

portrait de Shinran Shonin
De toutes les écoles japonaises de la Terre Pure, il y en a une qui est particulièrement connue: le Jodo Shinshu.

Le Jodo Shinshu a quelques particularités bien singulières, surtout dans le Japon du XIIème siècle et pour bien comprendre l'origine de ces particularités quoi de mieux que de se pencher sur l'histoire de son fondateur, Shinran? En effet, l'histoire de la vie de ce maître, ni moine ni laïc, nous permet de comprendre de quel terreau cette belle école de pensée est issue et à quelles problématiques elle offre des solutions.

Matsuwaka-maru, le futur Shinran, naquit en 1173 dans une famille noble de samouraïs de Kyoto. Il s'avère que peu de temps avant sa naissance, cette famille tomba quelque peu en disgrâce. Son père étant décédé lors de sa petite enfance, Matsuwaka-maru fut élevé par ses deux oncles dont un l'initia à l'étude des lettres (sans doute pour tenter de rétablir l'honneur perdu de la famille). Cette volonté de son oncle explique le fait que le jeune Matsuwaka-Maru devint par la suite un lettré accompli.

Les troubles politiques et militaires, ainsi que les catastrophes naturelles de cette sombre période de l'histoire du Japon inspirèrent de nombreuses vocations religieuses. C'est sans doute pour cela que Matsuwaka-Maru et ses trois frères cadets rentrèrent tous dans les ordres. C'est à neuf ans que le jeune Matsuwaka-Maru se fit ordonner moine dans l'école Tendai sous le nom de Hannen. Ce fut le début de sa carrière ecclésiastique sur le mont Hiei, dans le monastère Enryakuji où il demeura 20 ans.

A l'époque, le Tendai était devenu une institution très imposante. C'était une école riche, militairement puissante, qui s'était acoquinée avec l'aristocratie, où l'on enseignait de nombreux enseignements exotériques et ésotériques. On ne sait pas vraiment à quelles pratiques exactes le jeune Hannen se livra, ni même à quels enseignements précis il se consacra. On peut bien sûr supposer qu'il bénéficia d'un enseignement sur le cursus classique de l'école Tendai et qu'il consulta la Somme sur la naissance de la Terre Pure du moine japonais Genshin. Dans tous les cas, cela ne lui suffit pas car, au bout de ces 20 années d'études et de pratique, se sentant incapable de se libérer de ses passions il vécut une profonde crise spirituelle et il quitta le mont Hiei pour réaliser une retraite de 100 jours dans la chapelle Rokkakudo. A l'aube du 95ème jour, il aurait eu une révélation dont on ne connait pas la teneur exacte. Toujours est-il qu'il décida de consulter Honen, fondateur de l'école Jodo Shu et il reçut un nouveau nom: Shakku.

Honen était également un ancien moine Tendai, qui avait décidé de se consacrer exclusivement à la pratique du nembutsu afin de renaître dans la Terre Pure d'Amida. De la même façon, le tout nouvellement nommé Shakku décida de rejeter les nombreuses pratiques complexes du Tendai pour se focaliser lui aussi sur la pratique seule du nembutsu. Il reçut plus tard le nom de "Zenshin" par son maître, conformément à un rêve prémonitoire qu'il réalisa 2 ans auparavant, rêve au cours duquel le bodhisattva Kannon lui affirma qu'il prendrait la forme d'une femme splendide pour lui permettre de fauter: il est dit que Zenshin avait des difficultés significatives à contrôler ses désirs sexuels, et il se maria effectivement un peu plus tard, avec l'approbation de son maître. Au total il étudia auprès de Honen durant 6 ans, jusqu'à ce que ce dernier soit condamné à l'exil suite aux excès de certains de ses disciples, prétexte bien pratique pour justifier la condamnation de ce mouvement qui se développait un peu trop rapidement au goût des institutions bouddhistes traditionnelles.

Tout comme son maître, Zenshin fut exilé en province et perdit son statut de religieux. Ce fut donc un intellectuel noble de Kyoto qui se retrouva du jour au lendemain à vivre parmi et comme les gens du commun, au plus près de la réalité sociale des couches moins favorisées de la société. L'amnistie fut prononcée en 1211 après 4 ans d'exil. Honen mourut 2 mois après. Zenshin (qui était devenu père dans l'intervalle) libre de rentrer à Kyoto avec sa famille lui préféra néanmoins la plaine du Kanto (dans les environs de Tokyo), une région encore plus éloignée de Kyoto, la capitale de l'époque. C'est sur la route du Kanto qu'il eut une révélation: désormais il se consacrerait à l'enseignement. C'est à cette époque qu'il s'attribue le nom de Shinran et le surnom de Gutoku, l'imbécile-tondu, en référence à sa nouvelle condition, mi-moine (tondu), mi-laïc (imbécile).

Shinran prêcha pendant près de 20 ans dans le Kanto, où il fit de très nombreux adeptes aussi bien chez les laïcs que les religieux, les administrateurs ou les paysans. Finalement aux alentours de l'année 1230 il revint à Kyoto, ville dans laquelle il passa les 30 dernières années de sa vie. Ces dernières années furent consacrées à maintenir le contact avec les communautés provinciales qu'il avait créées, mais aussi à l'écriture. Il composa de nombreux documents dont le fameux Kyogyoshinsho, livre central dans son enseignement. Bien que le Kyogyoshinsho fût rédigé entièrement en chinois à destination de lettrés, Shinran n'oublia pas ses disciples moins érudits et écrivit de nombreux textes en japonais. La correspondance qu'il entretint avec ses disciples est un autre témoin important de sa pensée, tout comme le courrier d'Eshinni son épouse, redécouvert bien plus tard, a permis de faire un portrait plus complet de Shinran. Enfin son enseignement oral a en partie perduré par le biais du Tannisho, recueil posthume de ses paroles, rédigé par un de ses disciples.

Shinran mourut finalement en 1263 à l'âge de 90 ans, couché dans la position du Bouddha entrant en paranirvana, tourné vers l'ouest en direction de la Terre Pure, le nembutsu aux lèvres.

Ce sont les descendants de Shinran qui se sont succédé et continuent à le faire actuellement à la tête de l'école qu'il a fondée. Il va de soi que les enseignements de Shinran dont nous disposons à l'heure actuelle sont d'une importance capitale pour l'étude et la pratique du Jodo Shin.

Gratitude

Namu Amida Butsu
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