Puis-je utiliser des objets rituels bouddhistes ?

Cette page est la première d'une série de trois que je voulais écrire pour parler de pratique d'un point de vue plus concret. Regarder un verre d'eau n'a jamais étanché la soif : la pratique est essentielle. Encore faut-il savoir de quoi on parle !
Des objets de cultes dans le bouddhisme il n'y en a de nombreuses sortes, et bien évidemment ici aussi ça dépend des écoles. Comment trouver de "vrais" objets pour commencer ? Les babioles achetées à bas prix sur des grandes plateformes de distribution online, on s'en doute, n'ont pas été fabriquées dans un temple. Est-ce grave ? Pas forcément...
Lorsque je pratiquais au sein de l'école Zen, j'ai cousu plusieurs rakusus, sorte de mini-kesa représentant la robe du moine. La notion de kesa/rakusu est très importante dans le Zen, l'objet y est donc considéré comme "sacré". Pourtant n'importe qui peut en fabriquer un. Qu'est-ce qui fait de ce bout de tissu un objet de culte ? Tout simplement l'intention. Lorsque du tissu est destiné à la confection d'un rakusu, il faut déjà le considérer comme tel et respecter certains usages : ne jamais le poser à même le sol, idéalement toujours le mettre en hauteur... La réalisation du rakusu doit se faire dans des conditions de pratique respectueuse. Une fois terminé il est consacré au temple, mais ce qui pour moi en fait son caractère vraiment sacré c'est la façon dont on le considère avant, pendant et après. Lorsque le bout de tissu devient symbole, c'est là qu'il devient objet rituel.
Un de mes objectifs est de pouvoir fabriquer des malas en bois. Je ne suis pas moine, mais je considère que je peux tout à fait fabriquer des "vrais" malas. Là aussi une logique s'impose, je peux aller chercher du bois chez Le Roy-Merlin, mais une fois à la maison je ne le laisse pas dans la poussière d'un coin de garage. Si je travaille le bois je ne le fais pas après l'apéro ou avec la musique à fond. Une fois terminé, ce mala ne doit pas traîner par terre ou servir pour se déguiser pendant Halloween. C'est ça qui en fait un objet rituel.
Alors vous allez me dire que vous ne pouvez pas aller vérifier comment sont fabriqués les objets disponibles sur le net... En effet. Mais une fois que vous les avez en votre possession vous pouvez les considérer comme des objets de culte. Même si la statue n'est pas très officielle, le coussin de méditation un peu trop fantaisie, le bracelet un peu trop tape-à-l'oeil... Tous ces objets sont des supports de pratique, mieux vaut les utiliser que ne pas pratiquer du tout ! Avec le temps, à la faveur de voyages, où en cumulant certaines connaissances, on peut se procurer des objets un peu plus authentiques, plus adaptés...(sans tomber dans le fétichisme). L'évolution de notre cheminement spirituel se traduit aussi de cette façon-là.
Se procurer des objets de culte c'est bien, mais peut-on se permettre de les utiliser lorsqu'on est pas un pratiquant "officiel" ? Personnellement, je pense que l'utilisation de ce genre d'objet est importante. Le chemin vers le bouddhisme est une chose qui est loin d'être anodine. Mais voilà on ne se lève pas un matin en se disant "Je suis bouddhiste !" Non. C'est progressif. Il faut s'approprier la voie. Et utiliser ce genre d'objet y contribue. S'interdire de le faire parce qu'on est pas encore bouddhiste, c'est mettre de la distance avec la pratique selon moi : une très mauvaise chose.
Ce qui pose problème par exemple, c'est le fait de porter un mala tibétain en graines de rudraksha parce que ça fait alternatif/disruptif/new-age... Si c'est pour afficher une différence ou cultiver un look on tombe dans l'appropriation foireuse et là on dénigre un symbole important pour de nombreuses personnes. C'est comme les statues de Bouddha : pas de soucis d'en mettre chez soi, pour plus que de la déco. Si c'est plus que de la déco, il est bon de les considérer comme des statues de Bouddha selon la tradition :
- On évite d'acheter des têtes de Bouddha seules
- On ne les pose pas à même le sol
- Dans le Theravada on évite même de les mettre dans des pièces de nudité (salle de bains, chambre...)
Lorsque l'on porte des bijoux bouddhistes, un effort particulier peut-être fait pour respecter les préceptes par exemple. Et dans le cas du Jōdo Shinshū où les préceptes sont considérés comme étant caduques, c'est l'occasion de faire preuve d'un peu plus de patience, de gentillesse ou d'écoute.
Il ne faut pas attendre d'être un bouddhiste accompli pour se permettre l'utilisation de tels objets car le chemin vers le bouddhisme passe aussi par l'appropriation de ses symboles qui sont autant d'aides sur ce chemin. Je dois malgré tout faire une parenthèse importante concernant les objets qui sont ouvertement dédiés à des pratiques précises, dans des écoles données : on n'utilise pas une amulette tantrique si on est pas soi-même initié dans la tradition correspondante. On n'achète pas sur Amazon un objet "magique" utilisé dans une tradition ésotérique. Là aussi c'est tout simplement une question de respect. Mais en ce qui concerne des choses assez généralistes, auxquelles on attache une portée spirituelle, je suis convaincu qu'il est utile de mettre une statue sur un autel, d'utiliser des cloches ou de porter des bracelets/colliers...

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