Le svastika, un symbole à se réapproprier

Aujourd'hui je voudrais vous parler d'un symbole qui a eu une presse particulièrement mauvaise (et pour cause !) et qui fait partie de la famille des mal-aimés : le svastika.

Le symbole (au sens "dessin symbolique") est un important vecteur d'enseignement dans la majorité des religions. Visuel bien identifié, il parle à tous : souvent facile à reproduire, son graphisme est accessible et on lui accorde parfois un pouvoir occulte ou caché. Cette propriété est souvent un pouvoir de protection ou de chance, ce qui évoque donc un avantage certain dans la vie séculière. Même les personnes analphabètes peuvent s'approprier un symbole et sa représentation est parfois tellement inspirante qu'elle permet de profondes réflexions (petite pensée pour le fameux Tai-chi, souvent injustement dénommé sous le nom de "yin-yang")

"Svastika" est un nom assez mal connu en Occident, on connait bien mieux la tristement célèbre croix gammée. Ce symbole très reconnaissable a été massivement utilisé par le parti nazi pour symboliser leur prétendu lien avec les aryens, antique peuple Indo-iranien, idéalisé dans leur funeste idéologie. Présent sur les drapeaux, brassards, badges, en guise de décoration, la croix gammée a été l'étendard de ce régime fasciste.

Cette situation a mené à des situations assez curieuses comme dernièrement avec Google Maps : certains utilisateurs se sont effectivement offusqués de constater la présence de lieux repérés par une croix gammée en Irlande ou en Angleterre. Des bureaux du IIIème Reich au coeur de Dublin ? En vérité non, pour une raison très simple : ces croix gammées n'en étaient pas, nous sommes bien ici en présence de svastikas.

Croix gammée, svastika, quelle différence y a-t-il ? En vérité la croix gammée nazie est un svastika, mais quelques détails la caractérisent cependant de façon certaine. La croix gammée est noire, placée dans un rond blanc sur fond rouge. Par rapport à un svastika classique, le symbole nazi a subi une rotation de 45 degrés. On dit parfois aussi que la croix gammée est un svastika "à l'envers", sous-entendue détournée dans un but négatif comme peut l'être la croix satanique, mais en vérité le sens du svastika importe peu.

Loin de la propagande absurde du régime d'Adolf Hitler, le svastika est pourtant un vieux symbole... très vieux même. Bien plus vieux que les origines du mouvement nazi. Ses premières apparitions remontent aux représentations de la culture de Vinca, culture datée de 5500 à 3500 avant JC... On est donc en présence d'un symbole multimillénaire. Et c'est bien pour ça qu'il a été choisi par les nazis. Mais que représente donc cet antique symbole ? Ca dépend des régions du monde : en effet, on retrouve ce symbole à des dates reculées en Europe, en Afrique, en Océanie, au Amériques, en Asie... L'Asie est sans aucun doute l'endroit où il est encore le plus utilisé au quotidien. Très présent dans l'hindouisme et le jaïnisme, on le retrouve aussi dans le bouddhisme, souvent représenté sur le torse des Bouddhas. Ce symbole est très positif, représentant selon les cas sagesse, compassion, transmission de l'enseignement, éternité... Hors bouddhisme c'est un symbole probablement solaire, cosmique, suggérant chance, fertilité, joie et bonheur. En vérité sur Google Maps il représente tout simplement et sans aucune ambiguïté les temples bouddhistes...

Ce symbole si présent et si positif est nécessairement décliné de nombreuses façons selon les cultures qui l'ont utilisé ou continuent de le faire. Dans un sens ou dans l'autre, différence porteuse de signification ou non, ses variations stylistiques sont nombreuses : elle peut être aztèque, finlandaise ou japonaise, avoir plusieurs bras, devenir circulaire... Plus proche de nous on trouve également le lauburu, la croix basque et le triskell celtique, bien présent en Bretagne. Ce dernier ne comporte que trois branches, mais on peut retrouver des représentations du lauburu a 2, 3, 5, 6, 8 ou 9 branches, même si ces dernières formes sont plus rares.

Ce beau symbole porteur de tant de valeurs, de bien-être et de positivité a été accaparé par la cause meurtrière d'une poignée de dirigeants psychopathes au cours du XXème siècle. Evidemment, avec la montée du fascisme qui n'est jamais si loin, ce symbole choque, dérange, rappelle encore de très mauvais souvenirs. Mais faut-il pour autant l'abandonner à cette sombre période de l'histoire occidentale ? Le svastika vient à nous émergeant d'un passé vieux de plusieurs milliers d'années, au moins 7000 ans, sans doute plus, en guise de témoignage de lumière, de joie, de bien-être, de bonheur, de compassion. Il évoque les cycles cosmiques qui régissent notre vie comme ils régissaient déjà la vie de nos lointains ancêtres. Continuer à frapper le svastika d'ostracisme, voire l'interdire comme le souhaiteraient certains, ne serait-ce pas finalement concéder une petite victoire posthume au régime d'Adolf Hitler ? Surtout qu'encore une fois, la croix gammée est facilement distinguable, faire la part des choses ne représente qu'un effort très mineur.

Je pense qu'il est temps de se réapproprier ce symbole ancestral, le laver de l'affront qui lui a été fait, lui rendre ses lettres de noblesse et se permettre de l'utiliser sans aucun tabou (et bien sûr sans aucune ambiguïté, ce symbole représente beaucoup de choses, mais sûrement pas une incitation à la haine) à la façon d'un lauduru ou d'un triskell. Cette représentation est tellement universelle qu'elle transcende le temps et l'espace et appartient au fond commun de l'humanité. Loin d'être un emblème de folie meurtrière, il faut en refaire un symbole de bonheur, bonheur auquel aspirent tous les êtres sensibles présents aux quatre coins de notre planète.

Retour aux articles