Ecoles de la Terre Pure et Voie des saints
Cette différence fondamentale d'approche a été mentionnée très tôt : déjà Nāgārjuna (IIème-IIIème siècle), premier religieux éminent du Jodo Shinshu et patriarche de nombreuses traditions du Mahāyāna, dans son commentaire sur le soutra des dix étapes des bodhisattvas (au chapitre 9) nous renseigne sur le grand nombre de voies qui permettent de parcourir l'enseignement bouddhiste. S'appuyant sur la métaphore du voyage, il compare la difficulté de cheminer à travers le continent à la facilité des voyages maritimes, soit la rigueur et les sacrifices des pratiques exigeantes à la facilité et la rapidité de la foi dans le Bouddha.
Deux siècles plus tard, c'est Tanluan (le troisième religieux éminent du Jodo Shinshu) qui, en s'appuyant sur les enseignements de Nāgājurna, établit les deux catégories que sont la Voie des saints et les écoles de la Terre Pure. La Voie des saints regroupe tous les enseignements basés sur jiriki (自力), c'est-à-dire notre pouvoir personnel. Ce sont les voies exigeantes, qui de fait ne sont pas à la portée de tout le monde (pratique de la méditation, des austérités, respect des préceptes, pratique des paramitas, atteinte de niveaux mentaux élevés...). Toutes ces pratiques ont en commun de mobiliser énormément notre énergie, que se soit physiquement, intellectuellement... ou de plusieurs façons différentes. Les écoles de la Terre Pure au contraire sont basées sur tariki (他力) le pouvoir autre. Ce pouvoir autre est le pouvoir du Bouddha. Ici il n'y a pas d'acte particulier à accomplir, il nous suffit de nous en remettre pleinement au Bouddha Amida.
Le bouddhisme compte de nombreuses branches, rien qu'en ce qui concerne le bouddhisme japonais, celui que je connais le mieux, on trouve le Shingon, le Tendai, le Zen, le Shugendo... Toutes ces voies sont d'authentiques voies bouddhistes, et elles visent toutes à l'atteinte de l'éveil et au dépassement de la souffrance inhérente à la condition humaine. Et ces voies ont également en commun d'appartenir à la Voie des saints : longues périodes de méditation, maîtrise de rituels complexe, exercices physiques éprouvants ou encore concepts métaphysiques difficiles les caractérisent. Tout le monde ne peut pas se permettre de méditer sous une cascade de montagne !
Pour la grande majorité d'entre nous, les écoles de la Terre Pure sont le chemin le plus indiqué. Accessible à tous, aucun prérequis n'est nécessaire et cette absence de condition offre une spiritualité pratique à la portée de chacun. Inutile de maîtriser de puissants concepts métaphysiques, de réaliser des prouesses physiques ou d'atteindre de très hauts états mystiques. La confiance seule suffit, sentiment humain tout à fait naturel, même si notre expérience de vie altère bien souvent ce sentiment spontané.
Bien souvent, la nature de nos esprits imparfaits et faillibles nous destine plutôt aux enseignements de la Terre Pure. Mais à ce constat vient s'ajouter une composante contextuelle : comme nous l'indique les enseignements de Shinran Shonin, la période n'est pas du tout propice à une étude sereine et fructueuse du bouddhisme. Même les meilleures volontés se retrouvent confrontées au stress de la vie moderne, à l'angoisse de l'urgence climatique, à la complexité d'un monde toujours plus connecté. C'est bien pour ça que, plus que jamais, les enseignements de la Terre Pure sont d'une importance capitale dans notre monde dominé par une injuste souffrance.
Gratitude
Namu Amida Butsu
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