mudra du grand Bouddha Amida de Kamakura

Les confins de la Terre Pure

une cabane dans un paysage désert
D'après Shinran Shonin, les personnes ayant atteint Shinjin sont certaines de renaître dans la Terre Pure après leur mort. Cette certitude est telle qu'il considère que ces personnes ont déjà virtuellement atteint la Terre Pure, et sont donc l'équivalent de bodhisattvas de haut niveau tel que Miroku bosatsu.

Tout le monde ne s'accorde pas forcément sur la nature de la Terre Pure. Lieu bien concret situé dans un autre univers pour les uns, symbole d'une haute réalisation spirituelle pour les autres, Shinran nous parle d'une terre de lumière, ce qui ne permet pas de trancher le débat. Après tout, les deux interprétations conviennent aussi bien l'une que l'autre à cette terre de lumière. Shinran ne tranche pas ce débat mais ce n'est pas problématique : il met l'accent sur ce qui est important, c'est-à-dire ce que la Terre Pure nous apporte, que ce soit réel ou symbolique est secondaire. Concernant la nature de cette Terre Pure, tout ce qui doit nous importer c'est qu'elle est en rapport avec la lumière possédant toutes les qualités énumérées par Shinran Shonin dans le Shōshinge.

Si l'on souhaite renaître dans la Terre Pure et que l'on pratique le nembutsu mais sans avoir atteint la foi véritable, Shinjin, il est dit que nous renaîtrons aux confins de la Terre Pure, la Terre Pure provisoire, le palais de la matrice, la citadelle du doute... On se pose moins souvent la nature de ces confins, et pourtant la question est intéressante. Quelle est donc la nature de ce lieu si la Terre Pure, elle, est une terre de lumière ?

Selon le grand soutra d'Amida, les confins de la Terre Pure sont réservés à ceux qui ne s'en sont pas encore complètement remis au Bouddha Amida et qui n'ont pas encore renoncé à leur pouvoir personnel. Ces personnes renaissent dans un palais où tous leurs besoins et envies sont comblés, mais ils y restent coincés durant 500 ans, sans avoir la possibilité de voir le Bouddha, d'entendre les enseignements, ou de voir la foule des bodhisattvas. Ce même soutra compare cette situation à celle de jeunes princes qui se seraient mal conduits à l'égard de l'empereur universel, et qui se retrouveraient enchaînés dans un somptueux palais avec des chaînes d'or, avec à boire, à manger, des vêtements, des lits, des fleurs et des parfums, des courtisanes et des musiciens... Malgré le très bon traitement dont ils jouissent, ces princes n'aspirent qu'à une chose: s'échapper. Malgré leur situation exempte de souffrance, leur frustration est grande de ne pas pouvoir dépasser les limites de leur prison.

Concernant le risque de retomber dans le samsara parce qu'on a pas encore atteint la véritable foi, le Tannishō (un important texte de Shinran dont nous parlerons bientôt) est très clair à ce sujet : après s'être forcément libéré du doute au sein des confins de la Terre Pure, le pratiquant atteindra assurément l'éveil dans la véritable Terre Pure. Atteindre les confins, c'est donc déjà assurer son éveil, sans régression possible. Il manque juste l'essentiel : la présence du Bouddha, l'enseignement et la communauté (les 3 joyaux, le coeur du bouddhisme donc).

Atteindre Shinjin c'est ne plus avoir le moindre doute sur le fait qu'Amida nous entoure de sa compassion et de sa sagesse et que quoi qu'il advienne, jamais il ne nous abandonnera. Nous sommes donc assurés de bénéficier de sa précieuse aide, jusqu'au moment où nous serons nous-mêmes devenus des êtres complètement accomplis et affranchis de la souffrance, des Bouddhas. Un tel état d'esprit est hautement désirable ! Ne plus jamais avoir à se poser la question sur notre devenir post mortem, savoir que quoi qu'il arrive nous sommes déjà sauvés, que l'errance n'est plus possible, qu'on ne peut pas se tromper dans sa pratique, que nous disposons déjà de toutes les ressources et de tout le savoir nécessaire pour se sauver soi-même et les autres... Une telle certitude est un luxe inouï est une chance fabuleuse !

Finalement, même sans avoir atteint Shinjin, nous pouvons bénéficier des mêmes avantages que les personnes qui l'ont atteint. Une pratique simple, réconfortante voire consolante, la certitude de prendre le bon chemin, le confort de se savoir sauvé quoi qu'il en soit, l'absence de crainte sur son devenir, la certitude de pouvoir finalement aider les autres d'une façon réellement pertinente et non pas polluée par ses propres illusions... Ca revient au même. A un détail près : sans Shinjin nous ne parvenons pas à percevoir la lumière du Bouddha. Malgré tous les précieux cadeaux que cette pratique nous accorde d'ores et déjà, il manque l'essentiel : percevoir la lumière d'Amida Nyorai.

On peut donc considérer que cette situation n'est pas tellement différente de celle des personnes qui se retrouvent aux confins de la Terre Pure tels que décrits par le soutra ! Quand on y pense, ces personnes disposent elles aussi de tout le confort, de tous les avantages, de tout le bien-être de la Terre Pure. Mais de la même façon il leur manque l'essentiel.

Si la nature de la Terre Pure est la lumière, la nature des confins de la Terre Pure ne serait-elle pas la joie et le bonheur de se savoir complètement affranchi du doute en qui concerne son chemin spirituel ? Et de se savoir, à terme, affranchi de la souffrance ? ... mais sans pouvoir discerner cette lumière qui en fait finalement toute l'essence ?
boutton de retour
Retour aux articles