mudra du grand Bouddha Amida de Kamakura

Hiérarchie et dérives sectaires dans le Jōdo Shinshū

Hiérarchie de pions
Dans toute religion on trouve une hiérarchie. Plus ou moins élaborée, plus ou moins respectée, la hiérarchie est une nécessité afin d'assurer la préservation de l'enseignement, sa transmission, mais aussi afin d'être en capacité de jongler avec les enjeux liés à l'actualité. C'est une nécessité qui ne va pas sans poser problème : on le sait, les dérives liées à la hiérarchie sont nombreuses et difficilement évitables. Ce sont toujours des personnes bien humaines qui gèrent ces responsabilités, avec leurs forces mais aussi leurs faiblesses.

L'école Jōdo Shinshū n'échappe pas à la règle. En premier lieu nous avons un fondateur Shinran Shonin, première figure d'autorité. Cependant, Shinran souhaitait avant tout transmettre l'enseignement de son propre maître, Honen Shonin, et n'avait pas pour intention de fonder une école à part entière (bien qu'en vérité, certains de ses choix doctrinaux ont énormément favorisé le fait de considérer son enseignement comme constituant une école à part entière). Qui plus est, dans le Tannishō on peut lire au chapitre 6 :
"Quant à moi Shinran, je n'ai même pas un seul disciple."

En quoi Shinran n'avait-il pas de disciples ? Si on poursuit la lecture de ce chapitre, on constate qu'il déclare que les pratiquants du nembutsu sont en réalité directement les disciples du Bouddha Amida lui-même. Voilà pourquoi il dit ne pas avoir de disciples en son nom propre.

Nous avons donc un fondateur qui affirme ne pas avoir de disciple. Pour autant à la mort de ce fondateur il a bien fallu reprendre les rênes de l'école. Ce sont les descendants de Shinran qui s'en sont chargés et encore à l'heure actuelle, les personnes à la tête des différentes branches du Jōdo Shin sont des descendants de Shinran.

Parmi ce que l'on pourrait considérer comme d'autres figures d'autorité, nous avons les moines de l'école. En effet, la dignité de moine les distingue du statut de laïc : ce sont des gens qui ont étudié les enseignements et qui connaissent bien les cérémonies. Qui plus est, ils sont reconnus en tant que tels par leurs pairs. Dans de nombreuses écoles bouddhistes il est bien plus favorisant d'un point de vue spirituel d'être moine et compte tenu de leur pratique plus engagée et de l'ascèse à laquelle ils se soumettent, ces moines sont considérés comme des pratiquants d'un niveau et d'une pertinence supérieures. Il est donc naturel de les considérer comme des références en matière de spiritualité.

Mais dans le bouddhisme Shin nous sommes tous des bombus ! Les moines aussi bien que les autres ! Une des conséquences de ce constat est une organisation beaucoup plus horizontale que dans d'autres écoles : il n'y a pas vraiment de gradation entre moines et laïcs. Tout le monde est considéré sur un même pied d'égalité, et même si les moines sont bien sûr souvent une source d'enseignement et de réconfort pour les laïcs, au cours de l'histoire du Jōdo Shinshū de nombreux moines ont eux aussi été inspirés ou enseignés par des laïcs.

Moine ou laïc, au final nous sommes tous les disciples d'Amida, et c'est bien le Bouddha qui se trouve être la seule figure hiérarchique. Et cet état de fait n'est pas du tout négligeable. Dans d'autres traditions les débordements de certains enseignants sont difficiles à remettre en cause : critiquer la personne c'est critiquer l'archétype du maître. Le maître étant censé représenter un niveau spirituel avancé, douter de lui c'est douter de la Voie. Ce genre de fonctionnement mène parfois à des dérives épouvantables. Mais dans le Jōdo Shinshū, aussi proche que vous puissiez être d'un enseignant, où vous rappellera toujours que même le meilleur enseignant est un bombu. Difficile de développer un culte de la personnalité dans ces circonstances. D'un autre côté les pratiquants avancés ne risquent pas non plus d'être pris en "défaut de sainteté" : personne n'est considéré comme étant capable d'être saint.

Finalement la seule figure qui se doit d'être irréprochable sous tous rapports et de ne jamais se laisser aller à des penchants mesquins c'est... Amida lui-même ! Et avant qu'Amida se retrouve englué dans un scandale financier, sexuel ou qu'il soit accusé de manipulation il va falloir se lever tôt ! Ainsi, l'école Jōdo Shin se prête de fait beaucoup moins à certaines dérives bien connues des organisations religieuses, car doctrinalement on ne peut pas trouver de justification pour de telles dérives. C'est une des raisons pour lesquelles cette pratique est sûre : tant que l'on suit les enseignements on ne risque pas de se laisser embrigader par un gourou autoproclamé tout-puissant !

Gratitude

Namu Amida Butsu
boutton de retour
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