Visite au Higashi Honganji

Sans pratique, le bouddhisme peut facilement être vécu comme une sorte de philosophie sans réelle substance, ce qui est bien dommage. Se rendre dans un lieu qui lui est dédié peut être d'une aide inestimable pour concrétiser tout ça ! Alors des temples il y en a de différentes sortes, et il ne sont pas très nombreux. En France on va trouver principalement des centres tibétains, des dojos Zen ou des lieux de pratique Theravada. Comment faire si ce qui vous intéresse c'est le tibétain mais que vous n'avez qu'un centre Theravada à moins de 2H de route de chez vous ? Et ben allez faire un tour dans ce centre Theravada ! Ca reste du bouddhisme, en général les relations inter-écoles sont plutôt bonnes, et on devrait volontiers répondre à vos questions ou vous permettre d'assister aux cérémonies.
A une heure et demie de chez moi se trouve un grand temple tibétain que j'ai eu l'occasion de visiter, et quand j'ai expliqué ma position de pratiquant isolé d'une tradition japonaise, on m'a gentiment dit de ne pas hésiter à venir pratiquer mes propres pratiques dans la grande salle du temple !
Bref, c'est une démarche plus simple qu'il n'y paraît, mais bien sûr comme tout organisme religieux qui soit, n'oubliez pas d'exercer votre sens critique. Dans le bouddhisme aussi on peut hélas constater certaines dérives...
Pour illustrer mes propos, je vais vous raconter ma première cérémonie au Honzan du Jōdo Shinshū Ōtani-ha, le temple mère de ma branche : le Higashi Honganji, que j'ai eu la chance de pouvoir visiter en octobre dernier. Avec ma femme, je me suis rendu au Japon pour la première fois donc, et plus précisément à Kyōto. J'y ai retrouvé Miki Nakura, le prêtre Jōdo Shin qui a conduit la cérémonie de Kikyoshiki pour moi. Nous avons passé la nuit précédente dans une charmante auberge de type traditionnelle qui a la particularité d'être tenue par une prêtre Jōdo Shin ! En effet, l'auberge est avant tout destinée aux pèlerins qui viennent au Higashi Honganji et on peut y trouver un autel, des livres sur le bouddhisme et des nenjus à vendre. Certains jours il y a même des conférences qui y sont tenues ! Bref, un temple déguisé en auberge ! (à Tōkyō j'ai aussi eu l'occasion de me rendre dans un temple déguisé en bar, mais ce sera pour une autre fois !)
L'auberge se situe à 5 minutes à pied du temple, ce qui est bien pratique vu que la cérémonie commence à 7H du matin. Nous nous sommes donc réveillés, nous avons roulé les futons sur les tatamis et j'ai pris mon wagesa, mon nenju et mon livre de chants, direction le temple. C'est un temple magnifique, avec des portails monumentaux et deux halls très imposants, majestueux, mais d'une manière toute japonaise : les bâtiments ne s'élèvent pas comme nos cathédrales occidentales, au contraire ils sont beaucoup plus sobres, humbles en matière de hauteur. Mais leur beauté architecturale n'a rien a envier à ces cathédrales, au contraire ! Ce sont des bâtiments magnifiques, d'une élégance et d'un raffinement qui a quelque chose de surprenamment apaisant. D'ailleurs le hall de Shinran est le bâtiment qui possède le plus grand toit en bois du monde et rien que ça, ça impose le respect.
Nous sommes entrés dans le hall d'Amida, hall où débute la cérémonie. Les églises de ma région natale sont souvent en hauteur, contrairement aux temples bouddhistes. De la même façon, l'intérieur de ces mêmes églises est souvent très gris, là où le hall d'Amida est très lumineux. Les dorures, les bougies et les fleurs donnent une impression très chaleureuse, entourant une petite statue en bois, très belle, d'Amida Nyorai. Nous nous sommes assis en seiza sur les tatamis qui composent le sol du hall, puis les moines sont arrivés et ont commencé à chanter le petit soûtra de Vie-Infinie à un rythme particulièrement rapide, très difficile à suivre. On ne reste pas longtemps dans le hall d'Amida : une fois le soutra terminé il est temps de passer au second hall grâce à une passerelle en bois.
Ce second hall est celui de Shinran Shonin donc, le fondateur du Jōdo Shinshū. Il est plus grand que le premier, la première fonction de ce temple étant de célébrer le fondateur. Les moines s'installent de nouveau, de part et d'autre d'une statue de Shinran cette fois-ci, et se mettent à réciter le Shoshinge (important texte de Shinran) à une rapidité assez surprenante. Comme je commence à connaître le texte j'ai pu également réciter en compagnie des autres participants. Nous avons poursuivi la cérémonie avec un wasan (un poème que l'on doit également à Shinran) et grâce à Gregory, seul moine français Jōdo Shin à ce jour, j'ai appris à en chanter le nembutsu qui tient lieu de "refrain". J'ai donc également pu participer (partiellement) à cette partie de la cérémonie. Après les chants, une lettre de Rennyo Shonin (considéré comme le second fondateur du Jōdo Shin) a été lue, tout en japonais hélas pour moi, et enfin un révérend invité a tenu un Dharma talk très touchant concernant le décès des enfants (Nakura san nous a donné une traduction de cette intervention a posteriori). Une fois la cérémonie finie, nous avons pris le temps de flâner un peu dans la cour du temple, à l'ambiance sereine et bienveillante.
Il y aurait encore énormément à dire sur l'intérieur des halls, l'amabilité des personnes se trouvant là, l'ambiance très forte et apaisante, l'histoire du temple, l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite... Mais aucune description ne remplacera le fait de vivre directement l'expérience par soi-même.
Pour finir, je voudrais juste raconter une petite anecdote. Le dernier jour avant mon départ j'ai voulu assister de nouveau à une cérémonie, seul cette fois-ci. Gregory m'avait prévenu que je pouvais me permettre de quitter les lieux au moment du Dharma talk, ne comprenant pas le japonais ça ne présente en effet aucun intérêt. Le moment en question se présente, je me lève donc discrètement pour quitter les lieux. Et c'est avec surprise que je constate que la porte est fermée le temps de la cérémonie, avec une personne qui monte la garde devant. Une fois debout il aurait été étrange de me rasseoir, je me rapproche donc de l'homme et lui demande discrètement en anglais si je peux quitter le hall. Il me répond que oui et, bien qu'il porte un masque de type covid, je devine qu'il me sourit en me disant "Vous êtes libre de partir quand vous voulez, vous êtes aussi libre de revenir quand vous voulez". Il me parle bien sûr de la cérémonie mais il est évident que sa phrase est à deux niveaux : en disant cela il veut également dire que, malgré le fait que nous sommes libres de nous détourner à tout instant du Bouddha, nous sommes toujours les bienvenus si nous changeons d'avis, car le Bouddha ne rejette jamais personne quelles que soient les circonstances...
Gratitude
Namu Amida Butsu

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