Trop facile le Jōdo Shin, vraiment ?

C'est facile, et parfois, autant de facilité peut désarmer les nouveaux arrivants qui voudraient découvrir cette tradition. En effet, lorsque l'on commence à s'intéresser à une discipline, une philosophie, un sport ou quoi que soit d'autre, de prime abord on est en général très motivé, stimulé par la découverte et on a envie de s'approprier ce nouveau champ de connaissances ou d'activité, en multipliant les exercices ou les lectures, les discussions... On achète des livres, du matériel, on visite des lieux, on rencontre des gens, on cherche à trouver un club, une association, on s'intéresse à l'histoire de la discipline... Et même si le but à atteindre est élevé ou le niveau visé difficile à obtenir, on s'y met avec enthousiasme, avec la belle énergie des commencements et on a envie de vivre cette passion à fond.
A peu près toutes les disciplines vous donnent du grain à moudre. Si vous vous mettez à la musique, il vous faudra trouver ou acheter l'instrument, exercer votre oreille, votre doigté, vous familiariser avec le répertoire. Vous souhaitez vous mettre à la botanique ? Achat de matériel, de matières premières, choix des graines, aménagement du jardin pour y créer l'environnement propice, achat de livres sur les maladies végétales. Vous entamez une saison de rugby ? Maillot, ballon, nouvelle organisation pour vous rendre au stade 3 fois par semaine, rencontre des autres joueurs, visionnage des matchs à la télé. Vous devez bosser votre espagnol pour vos prochaines vacances en Amérique du sud ? Supports audio, applications, vocabulaire, grammaire, exercices pratiques... On ne s'ennuie pas !!
Et quand on commence à se renseigner sur le bouddhisme Jōdo Shin, on constate très rapidement que... Et ben il n'y a pas grand-chose à faire !! Et c'est même parfois un peu décevant. Que faire de toute cette belle énergie que vous ne demandez qu'à investir ? Surtout que les temples concernés sont bien peu présents en Europe, inexistants à ce jour en France. La pratique Jōdo Shin peut être pas mal frustrante au début sur ce point : on ne peut pas dire que ça transforme immédiatement de façon concrète la vie au quotidien !
Pourtant cette pratique minimaliste, qui peut même sembler simpliste est une pratique tout-terrain et ça, mine de rien, ça change tout, même si ça ne semble pas flagrant de prime abord. En effet, cette pratique est accessible et disponible dans n'importe quelles circonstances, n'importe où, n'importe quand. Pas besoin de créneau horaire, de conditions spéciales, de matériel. Oui, lorsqu'on a le temps, l'énergie et l'envie de pratiquer on peut être un peu frustré, mais la vie nous réserve pas mal de péripéties, et la pratique spirituelle s'avère particulièrement précieuse dans les moments difficiles : les difficultés relationnelles, financières, professionnelles, un accident grave, la maladie, le deuil, l'urgence... Aucune de ces situations parfois extrêmes n'est bloquante pour la pratique du Jōdo Shinshu : elle peut vous venir en aide à toute heure du jour et de la nuit, quels que soient les obstacles que vous pouvez rencontrer.
Le penseur Kiyozawa Manshi, importante figure du Jōdo Shin moderne dont nous aurons l'occasion de reparler, a témoigné de la profonde sérénité que lui procurait sa conviction religieuse dans ce qui est devenu son testament philosophique... rédigé une semaine avant de mourir des suites de la tuberculose qu'il trainait depuis des années ! On est ici en présence d'une pratique d'une grande force, d'une utilité vraiment concrète, même lorsque la mort s'approche.
Il s'agit donc d'une pratique spirituelle véritablement tout-terrain et c'est aussi en cela qu'elle est particulièrement précieuse.
Gratitude
Namu amida Butsu

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