mudra du grand Bouddha Amida de Kamakura

Kannon, bodhisattva de la compassion

Statue du bodhisattva Kannon
Nous avons déjà passé en revue un certain nombre de Bouddhas et de bodhisattvas. Mais il était surtout question de leur représentation, notamment sous forme de statues, et vous vous doutez bien que ce ne sont pas juste des statues. Bien évidemment derrière chacune de ces figures nous sommes en présence de symboles ayant une portée spirituelle non négligeable.

Aujourd'hui je voudrais m'attarder sur une de ces figures, figure qui est parmi les plus populaires : le bodhisattva Kannon.

Kannon n'est pas n'importe quel bodhisattva. Symbole de compassion, c'est une figure réconfortante, prête à accorder sa bienveillante aide à n'importe qui.

En Inde c'est Avalokiteśvara, figure ouvertement masculine. Chenrezig au Tibet, Gwanseeum en Corée, arrivé en Chine sous le nom de Guanyin les choses deviennent beaucoup plus ambigües... Notre Guanyin change quasiment de sexe. Parfois considéré comme féminine, parfois androgyne, vu le peu de figures féminines que l'on peut trouver dans le panthéon bouddhiste, je prends le parti délibéré et subjectif de lui attribuer un sexe féminin, ça compense un peu. Mais en réalité Kannon peut même être facilement associé à la non-binarité ou la transidentité... Ce qui n'aurait rien d'incohérent avec sa fonction comme nous allons le voir un peu plus loin.

On pourrait traduire son nom sanskrit par "Celle qui entend les voix du monde". Kannon entend en permanence la souffrance des êtres et s'apprête à leur venir en aide. Lorsqu'elle est représentée assise, on la voit souvent la tête posée dans la main : elle réfléchit à la façon la plus efficace d'aider tous les êtres souffrants. Elle est souvent également représentée avec une jambe repliée et l'autre touchant le sol : prête à se lever pour intervenir. Parfois sa propre tête est surmontée de plusieurs autres têtes, jusqu'à une dizaine ! Elle se casse littéralement la tête pour trouver des solutions à nos problèmes ! Elle possède parfois 1000 bras : Kannon n'a pas peur de venir en aide à tout le monde en même temps. Et bien sûr comme je l'ai déjà évoqué, sa coiffe contient un petit Bouddha, c'est Amida auquel elle pense constamment.

Kannon est une des deux assistants d'Amida, qui apparaissent avec lui au pratiquant entrain de décéder pour le mener à la Terre Pure. On la retrouve aussi dans les temples Zen associée à Monju, côté Tibet le dalaï-lama et le karmapa sont considérés comme étant des avatars de Kannon, elle a été intégrée au panthéon Taoïste en Chine... Elle est donc très présente dans les pays liés au Mahāyāna.

On lui attribue pas mal de pouvoirs merveilleux. Le soutra du Lotus lui dédie tout un chapitre sans équivoque : lorsqu'une personne en détresse invoque le nom de Kannon, si elle se trouve dans un brasier le feu ne pourra pas la brûler. Emportée par les vagues, elle trouvera aussitôt un endroit où avoir pied. Son invocation dans la bouche de quelqu'un sur le point de se faire tuer brise instantanément tous les bâtons et épées brandis contre lui. Elle libère les êtres emprisonnés, casse les chaînes, libère des entraves, protège des ogres... Si une caravane se retrouve dans un chemin périlleux, il suffit qu'une seule personne invoque Kannon et incite les autres à le faire pour que même une multitude de pillards ne puisse rien faire pour leur nuire.

Mais Kannon n'est pas là que pour protéger, elle enseigne également. Nous avons parfois besoin d'entendre les choses de la part de certaines personnes ou dans certaines circonstances. Ce n'est pas un problème pour Kannon : elle peut adopter n'importe quelle forme pour atteindre le coeur des êtres. Si on a besoin d'être instruit par un Bouddha, elle apparaît sous forme de Bouddha. Si on a besoin d'être instruit par un roi, elle apparaît sous forme de roi. Elle peut être tour à tour nonne, laïc, homme, femme, dieu, dragon, silène, griffon, démon... Aucune forme ne la limite. Une croyance populaire affirme qu'elle aime prendre la forme d'un ou d'une mendiante pour demander l'aumône et ainsi nous permettre de pratiquer la paramita du don. Pensez-y la prochaine fois que vous serez tentés de snober le sans-abri devant votre supermarché : vous passez peut-être sous le nez de Kannon.

Un épisode de la vie de Shiran Shonin est assez significatif de l'action de Kannon : au bout de 20 années d'études au sein de l'école Tendai, se sentant incapable de se libérer par ses propres moyens, il réalisa une retraite de 100 jours dans la chapelle Rokkakudo. Parmi ce qui le tourmentait, le voeu d'abstinence lui pesait particulièrement. C'est lors de cette retraite qu'il fit un rêve prémonitoire au cours duquel Kannon lui apparut pour lui annoncer qu'elle prendrait la forme d'une femme splendide afin de lui permettre de briser son voeu d'abstinence. Le fait est qu'il se maria bel et bien avec Eshinni, en qui il voyait un avatar de Kannon. Il est amusant de constater que dans les correspondances d'Eshinni que l'on retrouva bien plus tard, on apprend qu'elle-même considérait Shinran comme une incarnation de Kannon !

En 1612, le christianisme est interdit au Japon et les chrétiens persécutés. Pour prouver son allégeance chacun doit bannir toute représentation chrétienne de son foyer. De nombreux chrétiens ont utilisé des statues de Kannon pour ne pas renier leur foi en se servant d'une certaine ressemblance entre le bodhisattva et la vierge Marie, certaines de ces statues présentant même une petite croix discrète : c'est ainsi que Kannon a même sauvé la vie de chrétiens clandestins à l'époque.

Figure réconfortante de compassion et de protection, qui vient au secours de quiconque en a besoin, le succès de Kannon en Asie n'est plus à démontrer !

Gratitude

Namu Amida Butsu
boutton de retour
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